« Aller voir ailleurs si j'y suis »

Texte et Photographie autour du thème des
« Petites maisons ». Symboles de l’espoir d’ailleurs et de respiration, ce sont aussi des enclaves
propices à l’enfermement, au temps figé, à la séparation… aux brouillages de pistes.
Les petites maisons ouvrent à « voir si j’y suis, Ailleurs... ». Le texte donne l’écho de ce qui se joue à
l’intérieur, ramenant parfois du souffle ou le brisant. Les photos ramènent à l’universalité du choix de
liberté, à la solitude qui en émane, à l’acte du Voir et de se Cacher. Elles délivrent un instant fragile
qui pourrait se produire n’importe où.
Textes : Isabelle VINCENT.
Le Squat. Considère cela comme un squat officiel, les voisins sont prévenus, m’a dit mon vieux en me tendant une clé et le cadenas très haute sécurité ABLOY PL350 Sentry +3 avec traitement anticorrosion, le temps que tu fasses un break, que tu décroches de tes foutues merdes. Et que tu te remettes au dessin, a rajouté ma mère… 
Je me tape trois rails de bonne blanche par jour, soit trois grammes aller-retour le temps de monter et de descendre. Je pense au cul de Jérémie une gamine de 16 ans encore sur son arbre avec des yeux en amande couleur abricot. Je griffonne des nains affublés de cagoules en cuir et vêtus de couche Pampers bedonnantes. Ma mère qui les accueille avec un Uzi et les balles en train de fondre comme des suppositoires dans un haricot en aluminium. Sûr que je me fais un break. Je me calme avec une branlette, je débande avec du Métal, je m’endors sur de la locale avec Ziggy Stardust dans les oreilles. Je contemple les étoiles qui tombent comme des charbons ardents sur les journées étales. 
- N’oublie pas de manger, tu es déjà si maigre, a dit ma mère en m’enfonçant ses ongles manucurés Chanel Orange Fizz entre les côtes. 
Je me nourris de Méth, de bière, de MD, de gâteaux Belin salés, de 9 mg de monoxyde de carbone par Marlboro et de capsules Nespresso. Je flotte dans mon jean, un monde au graphite et à la sanguine. J’ai les omoplates du martyr recroquevillé au fond de son lit, la bouche rance, les os pointus. Je dessine des vierges opalines croulant sous des rubans jaunis qui dansent sur « Perfect contradiction » des Paloma Faith dans la caravane immobile. J’aime décrocher - trois fois ma vie, trois fois ma mort - pour la paix de mes vieux.
Le Squat.

Considère cela comme un squat officiel, les voisins sont prévenus, m’a dit mon vieux en me tendant une clé et le cadenas très haute sécurité ABLOY PL350 Sentry +3 avec traitement anticorrosion, le temps que tu fasses un break, que tu décroches de tes foutues merdes. Et que tu te remettes au dessin, a rajouté ma mère…
Je me tape trois rails de bonne blanche par jour, soit trois grammes aller-retour le temps de monter et de descendre. Je pense au cul de Jérémie une gamine de 16 ans encore sur son arbre avec des yeux en amande couleur abricot. Je griffonne des nains affublés de cagoules en cuir et vêtus de couche Pampers bedonnantes. Ma mère qui les accueille avec un Uzi et les balles en train de fondre comme des suppositoires dans un haricot en aluminium. Sûr que je me fais un break. Je me calme avec une branlette, je débande avec du Métal, je m’endors sur de la locale avec Ziggy Stardust dans les oreilles. Je contemple les étoiles qui tombent comme des charbons ardents sur les journées étales.
- N’oublie pas de manger, tu es déjà si maigre, a dit ma mère en m’enfonçant ses ongles manucurés Chanel Orange Fizz entre les côtes.
Je me nourris de Méth, de bière, de MD, de gâteaux Belin salés, de 9 mg de monoxyde de carbone par Marlboro et de capsules Nespresso. Je flotte dans mon jean, un monde au graphite et à la sanguine. J’ai les omoplates du martyr recroquevillé au fond de son lit, la bouche rance, les os pointus. Je dessine des vierges opalines croulant sous des rubans jaunis qui dansent sur « Perfect contradiction » des Paloma Faith dans la caravane immobile. J’aime décrocher - trois fois ma vie, trois fois ma mort - pour la paix de mes vieux.

Arizona dream. - C’est presque comme dans « Arizona Dream » mais sans Faye Dunaway ni Johnny Depp, le genre d’atmosphère avec des tables qui se transforment en vaches sacrées en train de s’abreuver à la rivière ou des serpents qui deviennent des piliers de bar avec des colts rouillés à la ceinture et qui demandent une rallonge… Tu vois mon Bébé c’est l’endroit magique pas loin des Sources. Nara Visa, New-Mexico, on est presque arrivé...Tu ne sens pas la sécheresse de nos montagnes, ce truc qui échappe Totalement à Kusturica ? 
Je suis de la tribu des Yumas. Il est de la tribu des Hopis. Je suis reliée à Kukumat doué du pouvoir de Rêves. Il est issu de Taiowa qui a créé le monde fini et qui le détruit par le Feu. Il appartient au clan des Ours, troisième Mesa, et je suis sa Katchina en cottonwood, esprit de la pluie et de la fumée qui l’emmènera dans le cinquième monde. Le sable rouge, sans végétation. La véranda sous le plexiglas surchauffé, gondolé par endroits. Les odeurs de mauvaise cuisine, de tabac gris, de caleçons pisseux, de serpents écrasés. Une armoire bancale à gauche avec le compte répertorié de nos ancêtres. Pas de ventilateur. La chaleur écrase mon pouvoir de rêve malgré le piège à cauchemars qu’il a scotché au dessus du lit. La porte-fenêtre bat sur un vent invisible. 
- Nara Visa, New-Mexico, on est arrivé mon Bébé… Je te promets, on ne restera pas longtemps… le temps de nos offrandes, le temps de nos rituels. Il y a ce coyote que je dois capturer et les organes que je dois laisser sécher sur le rocher plat. La musique qui doit me revenir dans le bout des doigts et ce fils que tu dois me donner. Après, on partira.
Arizona dream.

- C’est presque comme dans « Arizona Dream » mais sans Faye Dunaway ni Johnny Depp, le genre d’atmosphère avec des tables qui se transforment en vaches sacrées en train de s’abreuver à la rivière ou des serpents qui deviennent des piliers de bar avec des colts rouillés à la ceinture et qui demandent une rallonge… Tu vois mon Bébé c’est l’endroit magique pas loin des Sources. Nara Visa, New-Mexico, on est presque arrivé...Tu ne sens pas la sécheresse de nos montagnes, ce truc qui échappe Totalement à Kusturica ?
Je suis de la tribu des Yumas. Il est de la tribu des Hopis. Je suis reliée à Kukumat doué du pouvoir de Rêves. Il est issu de Taiowa qui a créé le monde fini et qui le détruit par le Feu. Il appartient au clan des Ours, troisième Mesa, et je suis sa Katchina en cottonwood, esprit de la pluie et de la fumée qui l’emmènera dans le cinquième monde. Le sable rouge, sans végétation. La véranda sous le plexiglas surchauffé, gondolé par endroits. Les odeurs de mauvaise cuisine, de tabac gris, de caleçons pisseux, de serpents écrasés. Une armoire bancale à gauche avec le compte répertorié de nos ancêtres. Pas de ventilateur. La chaleur écrase mon pouvoir de rêve malgré le piège à cauchemars qu’il a scotché au dessus du lit. La porte-fenêtre bat sur un vent invisible.
- Nara Visa, New-Mexico, on est arrivé mon Bébé… Je te promets, on ne restera pas longtemps… le temps de nos offrandes, le temps de nos rituels. Il y a ce coyote que je dois capturer et les organes que je dois laisser sécher sur le rocher plat. La musique qui doit me revenir dans le bout des doigts et ce fils que tu dois me donner. Après, on partira.

Des poissons qui n'existent pas. Je n’ai pas choisi de finir mes jours ici. L’entrebâilleur du vasistas est rouillé alors je 
n’ouvre jamais. J’attends le passage du paquebot, sa langue pointue longitude 
Ouest, qui traverse mes carreaux embués plusieurs fois par jour. Je fais à bouffer, 
le minimum pour mes vieux os et mes maquettes en balsa. Dans mes rêves, je 
pêche des poissons qui n’existent pas. Ayant parcouru toutes les mers, je sais les 
reconnaître. Ceux-là, non… Ils n’existent pas. Je m’échauffe les doigts à parcourir 
des taxonomies. Un poisson typique est à sang froid, il possède un corps allongé 
lui permettant de nager rapidement. Mais celui-là n’est ni un vers nageur, ni un 
agnathe, ni un cartilagineux, ni un poisson osseux, ni un poisson à nageoires 
charnues. Je ne comprends rien aux logiques de ces nouveaux bancs qui nagent en 
groupe pour se séparer non loin des grèves. Une famille de néons s’est approchée 
trop près de la caravane. Quand je suis sorti pour leur offrir de l’eau, ils se sont 
éparpillés dans la nuit, leurs dorsales en hyperventilation. Ça n’est pas si souvent 
que je me montre sociable. Sur ma couchette, j’ai l’opercule du poisson-lune qui 
me regarde. J’ai pris ma canne. J’ai mis des vers luisants à l’hameçon comme 
quand j’étais gosse et ça a marché. J’ai récolté plein de ventres blancs et saignants 
que j’ai mis dans la barque. Ils miroitaient sous le soleil et certains continuaient à 
frétiller, jusqu’à la caravane où ils ont commencé à sentir vraiment mauvais. Alors, 
je me suis réveillé et j’ai jeté les écailles à la poubelle. J’ai sorti la colle et j’ai 
attendu que la coque du paquebot de 6h45 pourfende les dunes une nouvelle fois. 
J’ai fixé l’aiguille sur l’étambot en veillant à ce qu’elle soit bien dans le 
prolongement de la quille et je l’ai laissé sécher. Je me suis épongé le front.
Des poissons qui n'existent pas.

Je n’ai pas choisi de finir mes jours ici. L’entrebâilleur du vasistas est rouillé alors je
n’ouvre jamais. J’attends le passage du paquebot, sa langue pointue longitude
Ouest, qui traverse mes carreaux embués plusieurs fois par jour. Je fais à bouffer,
le minimum pour mes vieux os et mes maquettes en balsa. Dans mes rêves, je
pêche des poissons qui n’existent pas. Ayant parcouru toutes les mers, je sais les
reconnaître. Ceux-là, non… Ils n’existent pas. Je m’échauffe les doigts à parcourir
des taxonomies. Un poisson typique est à sang froid, il possède un corps allongé
lui permettant de nager rapidement. Mais celui-là n’est ni un vers nageur, ni un
agnathe, ni un cartilagineux, ni un poisson osseux, ni un poisson à nageoires
charnues. Je ne comprends rien aux logiques de ces nouveaux bancs qui nagent en
groupe pour se séparer non loin des grèves. Une famille de néons s’est approchée
trop près de la caravane. Quand je suis sorti pour leur offrir de l’eau, ils se sont
éparpillés dans la nuit, leurs dorsales en hyperventilation. Ça n’est pas si souvent
que je me montre sociable. Sur ma couchette, j’ai l’opercule du poisson-lune qui
me regarde. J’ai pris ma canne. J’ai mis des vers luisants à l’hameçon comme
quand j’étais gosse et ça a marché. J’ai récolté plein de ventres blancs et saignants
que j’ai mis dans la barque. Ils miroitaient sous le soleil et certains continuaient à
frétiller, jusqu’à la caravane où ils ont commencé à sentir vraiment mauvais. Alors,
je me suis réveillé et j’ai jeté les écailles à la poubelle. J’ai sorti la colle et j’ai
attendu que la coque du paquebot de 6h45 pourfende les dunes une nouvelle fois.
J’ai fixé l’aiguille sur l’étambot en veillant à ce qu’elle soit bien dans le
prolongement de la quille et je l’ai laissé sécher. Je me suis épongé le front.

La Cale. Eté 66, chez tonton Jacquot. La cale. C’était censé nous requinquer, nous les gosses de Belleville. Après les gaz et les poussières du boulevard, il nous fallait LE BON AIR, l’iode et les ablutions une fois sur deux, quand l’évier n’était pas bouché et que la municipalité n’avait pas coupé l’eau. La cale, ça venait de là, parce que cale sèche… comme disait tonton Jacquot dans un rire gras. 
Je vais marcher sur la plage. Je fais des rêves de maillot mouillé avec du sable de Normandie dans l’entrejambe. Je fais des rêves d’érection que j’assimile aux statues de Rapa Nui pendant que Chrissie me parle de crise d’identité et me tourne le dos dans sa nuisette en nylon qui s’enflamme. 
On joue aux cartes avec tonton Jacquot et nous, les frères, on se tient les coudes, on se fait des clins d’œil, on a des codes pour tricher. Il a ouvert une boite de pâté de foie et coupé une baguette en deux sur toute sa longueur. Il ne dit pas un mot mais c’est pire. Il ne joue pas avec les tricheurs et nous sommes de pauvres bougres de petits couillons de la ville. 
Je fais des rêves de maillot mouillé, lourd comme la pierre. A fond de cale, il y a les esclaves de l’uniformité qui rament d’un même mouvement vers encore moins de liberté. Les gosses, Jonas, Alfred et Charles, le petit dernier. A fond de cale, il y a l’odeur virile de tonton Jacquot et ses coups de gueule. Nos efforts post-coïtaux pour donner du sens à la vie, démêler le vrai du faux. Ma crise au milieu des algues vertes décomposées d’identité. Les rêves mous et sans vertu aussitôt aspirés par les vagues. Et l’absence totale de perspective sous la laine qui gratte.
La Cale.

Eté 66, chez tonton Jacquot. La cale. C’était censé nous requinquer, nous les gosses de Belleville. Après les gaz et les poussières du boulevard, il nous fallait LE BON AIR, l’iode et les ablutions une fois sur deux, quand l’évier n’était pas bouché et que la municipalité n’avait pas coupé l’eau. La cale, ça venait de là, parce que cale sèche… comme disait tonton Jacquot dans un rire gras.
Je vais marcher sur la plage. Je fais des rêves de maillot mouillé avec du sable de Normandie dans l’entrejambe. Je fais des rêves d’érection que j’assimile aux statues de Rapa Nui pendant que Chrissie me parle de crise d’identité et me tourne le dos dans sa nuisette en nylon qui s’enflamme.
On joue aux cartes avec tonton Jacquot et nous, les frères, on se tient les coudes, on se fait des clins d’œil, on a des codes pour tricher. Il a ouvert une boite de pâté de foie et coupé une baguette en deux sur toute sa longueur. Il ne dit pas un mot mais c’est pire. Il ne joue pas avec les tricheurs et nous sommes de pauvres bougres de petits couillons de la ville.
Je fais des rêves de maillot mouillé, lourd comme la pierre. A fond de cale, il y a les esclaves de l’uniformité qui rament d’un même mouvement vers encore moins de liberté. Les gosses, Jonas, Alfred et Charles, le petit dernier. A fond de cale, il y a l’odeur virile de tonton Jacquot et ses coups de gueule. Nos efforts post-coïtaux pour donner du sens à la vie, démêler le vrai du faux. Ma crise au milieu des algues vertes décomposées d’identité. Les rêves mous et sans vertu aussitôt aspirés par les vagues. Et l’absence totale de perspective sous la laine qui gratte.

Moi dans les nuages. Moi dans les Nuages j’Aspire.
Moi dans les Nuages je Respire.
Le contraste vide et pointu, la petite trouée d’air qui montre à quel point nous sommes loin, de sombres ailes à peine formées consommant trop de lumière.
Tu m’as coupée au ciselas et après tu étais fatigué.
Ça n’a pas suffi. Il a fallu que tu y laisses pousser le lierre, chassant le soleil après 16h, l’heure où j’ai froid, tu le sais.
Moi dans les Nuages je Sens la foudre du Christ, je Suis son doigt levé comme un ordre.
Moi dans les Nuages je Fends les Nuages, sur l’épaule du maître, au galop, je fends les nuages. Ma proie est la vie, arrêtée, immobile.
Les marguerites ont grandi sur leurs tiges et l’herbe n’est plus tondue.
Les volets sont clos. Tu les as fermés hier.
Moi dans les Nuages j’Aspire.
Moi dans les Nuages je Respire.
Moi dans les nuages.

Moi dans les Nuages j’Aspire.
Moi dans les Nuages je Respire.
Le contraste vide et pointu, la petite trouée d’air qui montre à quel point nous sommes loin, de sombres ailes à peine formées consommant trop de lumière.
Tu m’as coupée au ciselas et après tu étais fatigué.
Ça n’a pas suffi. Il a fallu que tu y laisses pousser le lierre, chassant le soleil après 16h, l’heure où j’ai froid, tu le sais.
Moi dans les Nuages je Sens la foudre du Christ, je Suis son doigt levé comme un ordre.
Moi dans les Nuages je Fends les Nuages, sur l’épaule du maître, au galop, je fends les nuages. Ma proie est la vie, arrêtée, immobile.
Les marguerites ont grandi sur leurs tiges et l’herbe n’est plus tondue.
Les volets sont clos. Tu les as fermés hier.
Moi dans les Nuages j’Aspire.
Moi dans les Nuages je Respire.

La cabane aux oiseaux. J’ai acheté la cabane aux oiseaux parce que je suis un oiseau. Une huppe fasciée. Un visiteur de l’été presqu’endémique. Discret, furtif, mais pas inaperçu, avec mon matériel Arriflex à l’épaule et l’élégance naturelle qui me caractérise. La huppe fasciée a un chant monotone et répétitif. Une crête à la punk des après Sex Pistols, quand on la hérisse, ce qui est mon cas. Je n’ai pas choisi ce coin de paradis pour être un Objet de curiosité, ni de Dévotion. Je suis venu là pour fignoler ma cabane, la planter sur son arbre et voir le petit jour la traverser comme une épée. En silence.
J’ai acheté la cabane aux oiseaux parce que je suis A Little Bird, affublé d’un long bec, les griffes posées sur l’avant-bras d’une Reine tourmentée et d’un pays solaire. Volant si bas que je deviens exotique - orange, noirs et blancs aspirés dans ce tracé que je saisis pour te donner la bonne nouvelle. Je m’endors dans la cabane aux oiseaux comme un chat bienheureux, réconcilié avec lui-même. Prêt à partir en chasse, pacifiquement, l’œil étréci par les attendus de lumière et les ailes qui viendront se poser peut-être.
J’ai acheté la cabane aux oiseaux parce que je t’y attendais souvent sans avoir la patience de te nourrir suffisamment. Mes prises de vue en 16, 35 et 65 mm imaginaires, ma volonté de te convertir, toi mon amour, ma graine de Saba… à ce mode vie rudimentaire. Tu dépassais Raquel de beaucoup, crois-moi, et j’aimais notre couple excentrique, ta manière de picorer, ton cou à 90° et tes yeux inquisiteurs comme s’il y avait quelqu’un à protéger autre que moi. Mes rêves deviennent ta chair et tes plumes. Je mets le bracelet de Force en souvenir de ce qui m’attend de ce côté-là de la cabane.
La cabane aux oiseaux.

J’ai acheté la cabane aux oiseaux parce que je suis un oiseau. Une huppe fasciée. Un visiteur de l’été presqu’endémique. Discret, furtif, mais pas inaperçu, avec mon matériel Arriflex à l’épaule et l’élégance naturelle qui me caractérise. La huppe fasciée a un chant monotone et répétitif. Une crête à la punk des après Sex Pistols, quand on la hérisse, ce qui est mon cas. Je n’ai pas choisi ce coin de paradis pour être un Objet de curiosité, ni de Dévotion. Je suis venu là pour fignoler ma cabane, la planter sur son arbre et voir le petit jour la traverser comme une épée. En silence.
J’ai acheté la cabane aux oiseaux parce que je suis A Little Bird, affublé d’un long bec, les griffes posées sur l’avant-bras d’une Reine tourmentée et d’un pays solaire. Volant si bas que je deviens exotique - orange, noirs et blancs aspirés dans ce tracé que je saisis pour te donner la bonne nouvelle. Je m’endors dans la cabane aux oiseaux comme un chat bienheureux, réconcilié avec lui-même. Prêt à partir en chasse, pacifiquement, l’œil étréci par les attendus de lumière et les ailes qui viendront se poser peut-être.
J’ai acheté la cabane aux oiseaux parce que je t’y attendais souvent sans avoir la patience de te nourrir suffisamment. Mes prises de vue en 16, 35 et 65 mm imaginaires, ma volonté de te convertir, toi mon amour, ma graine de Saba… à ce mode vie rudimentaire. Tu dépassais Raquel de beaucoup, crois-moi, et j’aimais notre couple excentrique, ta manière de picorer, ton cou à 90° et tes yeux inquisiteurs comme s’il y avait quelqu’un à protéger autre que moi. Mes rêves deviennent ta chair et tes plumes. Je mets le bracelet de Force en souvenir de ce qui m’attend de ce côté-là de la cabane.

Les alouettes. Janis ma femme adorait les alouettes. Je les détestais. Le « Blockhaus » comme disaient les enfants. Même pas de quoi tenir à cinq, surtout quand Mina est née, elle ne supportait pas l’air d’ici, un peu vicié par les putréfactions de la mer et les puces de sable. Diarrhées à n’en plus finir, elle braillait du matin au soir. J’aurais donné n’importe quoi pour faire machine arrière, fuir cet enfer. Mais le temps est un élastique qui se transforme en corde de nylon avec un nœud du Paradis et Janis me scrutait de son œil noir sous ses cheveux roux. Des heures entières à laver les vêtements de la petite, à les étendre un peu partout dans le peu d’espace que nous avions. Les deux aînés boudaient sur le perron et moi je m’ennuyais ferme, maudissant ce foutu blockhaus et les 76 espèces d’alouettes qu’il abritait. Assis sur le tronc coupé au milieu du jardin, je lisais « La théorie du Chaos » attendant que Mina ait fini sa sieste. Je n’avais pas pensé à acheter des transats ni à couper l’herbe qui nous envahissait sous des vagues d’insectes destructeurs. Les fusibles datant de l’après-guerre, nous avions l’électricité une fois sur deux. Mauvais père, j’avais omis le plus important, les bougies. Certes, j’avais le briquet parce que je fumais mais j’étais un père dégradé, un père bourré d’ennui jusqu’à la gueule qui regardait les mouches voler en se demandant comment elles faisaient pour éviter les collisions. A petite échelle, le ciel s’avérait un monde plus dangereux que la terre. Si je creusais encore, le danger était partout, répandant ses fissions microcosmiques dans les yeux de Janis comme une fin de non-recevoir. Aujourd’hui, j’ai apporté les améliorations nécessaires au Blockhaus. Eau, gaz, électricité, j’ai même internet. Personne ne passe jamais au bout du chemin si ce n’est toi, ma flamboyante, ma courroucée - Mirafra Erythroptera- posée sur le ficus vulgaire, mon alouette venue d’Inde.
Les alouettes.

Janis ma femme adorait les alouettes. Je les détestais. Le « Blockhaus » comme disaient les enfants. Même pas de quoi tenir à cinq, surtout quand Mina est née, elle ne supportait pas l’air d’ici, un peu vicié par les putréfactions de la mer et les puces de sable. Diarrhées à n’en plus finir, elle braillait du matin au soir. J’aurais donné n’importe quoi pour faire machine arrière, fuir cet enfer. Mais le temps est un élastique qui se transforme en corde de nylon avec un nœud du Paradis et Janis me scrutait de son œil noir sous ses cheveux roux. Des heures entières à laver les vêtements de la petite, à les étendre un peu partout dans le peu d’espace que nous avions. Les deux aînés boudaient sur le perron et moi je m’ennuyais ferme, maudissant ce foutu blockhaus et les 76 espèces d’alouettes qu’il abritait. Assis sur le tronc coupé au milieu du jardin, je lisais « La théorie du Chaos » attendant que Mina ait fini sa sieste. Je n’avais pas pensé à acheter des transats ni à couper l’herbe qui nous envahissait sous des vagues d’insectes destructeurs. Les fusibles datant de l’après-guerre, nous avions l’électricité une fois sur deux. Mauvais père, j’avais omis le plus important, les bougies. Certes, j’avais le briquet parce que je fumais mais j’étais un père dégradé, un père bourré d’ennui jusqu’à la gueule qui regardait les mouches voler en se demandant comment elles faisaient pour éviter les collisions. A petite échelle, le ciel s’avérait un monde plus dangereux que la terre. Si je creusais encore, le danger était partout, répandant ses fissions microcosmiques dans les yeux de Janis comme une fin de non-recevoir. Aujourd’hui, j’ai apporté les améliorations nécessaires au Blockhaus. Eau, gaz, électricité, j’ai même internet. Personne ne passe jamais au bout du chemin si ce n’est toi, ma flamboyante, ma courroucée - Mirafra Erythroptera- posée sur le ficus vulgaire, mon alouette venue d’Inde.

L'épine de la croix rouge. Je ne suis pas l’épine de la Croix-Rouge, c’est odieux, Odieux, ce qu’ils Me font, massacrer des années de Travail, les boulangeries qui me claquent la porte au nez, en vacances, bien gentil, bien gentil mais pas dupe, les aigles de la mairie, les comptables, je les connais, ils m’espionnent, partout à mesurer ce que je prends, ce que je donne, ce que je mange, Brandon, un petit mec bien droit, un père russe, des scarifications partout, ce ne sont pas les emmaillottés de l’administration qui vont l’écouter parler, des choses atroces, personne n’aimerait subir Ça, Brandon, c’est le bouc-émissaire, il ne moufte pas, son père est mort, il ne pleure pas, je l’Ecoute,  je ne compte pas mes heures, il pleure, je sais faire le patachon quand il faut et le potache aussi, j’ai un super bon contact avec les enfants, l’autre jour j’ai fait la danse de Auchan avec des saucisses en promotion dans les mains histoire de leur démontrer que je ne suis pas fou, ça n’a pas fait rire tout le monde mais les enfants oui, la pollution ça atteint le monde surtout quand ce « tout le monde » se promène avec un caddie mais, ça mes amis, je leur ai dit, vous le savez comme moi, n’empêche c’est odieux ce système qui te broie parce que tu lui donnes tout, je lui ai TOUT donné, dix-huit boulangeries conquises avec ma sueur sans rien avaler, des sandwiches, personne n’en veut, qui vont partir à la poubelle, qu’est-ce que je vais leur donner moi aux gars de la gare, du pain, seulement du pain, voilà j’aurai fait mon boulot, toujours debout, à pied, pour dormir un peu dans mon pavillon, c’est suffisant une baie vitrée et rien à l’horizon, pas les voitures avec chauffeur sans rien dessous que des ombres avec des cigares et des costumes trois pièces, j’ai de la tension c’est normal, tout est marqué sur mes fiches, dépendance à la pilule magique, difficile à avaler mais j’ai l’habitude comme si ça me fatiguait de penser à moi.
L'épine de la croix rouge.

Je ne suis pas l’épine de la Croix-Rouge, c’est odieux, Odieux, ce qu’ils Me font, massacrer des années de Travail, les boulangeries qui me claquent la porte au nez, en vacances, bien gentil, bien gentil mais pas dupe, les aigles de la mairie, les comptables, je les connais, ils m’espionnent, partout à mesurer ce que je prends, ce que je donne, ce que je mange, Brandon, un petit mec bien droit, un père russe, des scarifications partout, ce ne sont pas les emmaillottés de l’administration qui vont l’écouter parler, des choses atroces, personne n’aimerait subir Ça, Brandon, c’est le bouc-émissaire, il ne moufte pas, son père est mort, il ne pleure pas, je l’Ecoute, je ne compte pas mes heures, il pleure, je sais faire le patachon quand il faut et le potache aussi, j’ai un super bon contact avec les enfants, l’autre jour j’ai fait la danse de Auchan avec des saucisses en promotion dans les mains histoire de leur démontrer que je ne suis pas fou, ça n’a pas fait rire tout le monde mais les enfants oui, la pollution ça atteint le monde surtout quand ce « tout le monde » se promène avec un caddie mais, ça mes amis, je leur ai dit, vous le savez comme moi, n’empêche c’est odieux ce système qui te broie parce que tu lui donnes tout, je lui ai TOUT donné, dix-huit boulangeries conquises avec ma sueur sans rien avaler, des sandwiches, personne n’en veut, qui vont partir à la poubelle, qu’est-ce que je vais leur donner moi aux gars de la gare, du pain, seulement du pain, voilà j’aurai fait mon boulot, toujours debout, à pied, pour dormir un peu dans mon pavillon, c’est suffisant une baie vitrée et rien à l’horizon, pas les voitures avec chauffeur sans rien dessous que des ombres avec des cigares et des costumes trois pièces, j’ai de la tension c’est normal, tout est marqué sur mes fiches, dépendance à la pilule magique, difficile à avaler mais j’ai l’habitude comme si ça me fatiguait de penser à moi.

Iris. Iris est un bulbe dans une petite chute. Sa maman l’arrose tous les jours. Iris est la messagère aux pieds ailés dans la cahute qui transpire. C’est son nom. Elle a les pieds bleus. 
Iris est Versicolor. Une plante à rhizomes sur la robe de la belle Catherine, froide comme le marbre. Ecce Mater trône au bout de la vallée avec des argenteries. Elle casse des tiges. 
Iris a les tépales intérieurs plus petits, dressés, souvent connivents. Elle ne sort pas sans l’autorisation de sa maman. Elle lui tamponne les tempes parce qu’il fait anormalement chaud, vu la saison. 
Iris est une capsule à trois loges contenant plusieurs graines. Elle rêve des hommes, parfois, qui s’approchent de la cabane et qui allument des feux avec leurs briquets. 
Iris est Pallida, Spuria, Xiphium, Sofaran. Ses bras sont alternes, ses cuisses engainantes, ses talons volent. Elle transporte le secret des dieux dans ses feuilles ensiformes. 
Iris est une fleur hermaphrodite. Sa maman a des bractées, comme des Spartes disposés sur deux rangs : « c’est l’heure de manger ». Iris n’aime pas la bouillie froide. 
Iris est la fille de Thaumos. Elle s’endort devant la fenêtre avec l’ardeur, le bleu et la confiance, relégués dans un petit pot. Elle rêve qu’elle marche sur la terre avec ses pieds bleus et qu’elle apporte la bonne nouvelle.
Iris.

Iris est un bulbe dans une petite chute. Sa maman l’arrose tous les jours. Iris est la messagère aux pieds ailés dans la cahute qui transpire. C’est son nom. Elle a les pieds bleus.
Iris est Versicolor. Une plante à rhizomes sur la robe de la belle Catherine, froide comme le marbre. Ecce Mater trône au bout de la vallée avec des argenteries. Elle casse des tiges.
Iris a les tépales intérieurs plus petits, dressés, souvent connivents. Elle ne sort pas sans l’autorisation de sa maman. Elle lui tamponne les tempes parce qu’il fait anormalement chaud, vu la saison.
Iris est une capsule à trois loges contenant plusieurs graines. Elle rêve des hommes, parfois, qui s’approchent de la cabane et qui allument des feux avec leurs briquets.
Iris est Pallida, Spuria, Xiphium, Sofaran. Ses bras sont alternes, ses cuisses engainantes, ses talons volent. Elle transporte le secret des dieux dans ses feuilles ensiformes.
Iris est une fleur hermaphrodite. Sa maman a des bractées, comme des Spartes disposés sur deux rangs : « c’est l’heure de manger ». Iris n’aime pas la bouillie froide.
Iris est la fille de Thaumos. Elle s’endort devant la fenêtre avec l’ardeur, le bleu et la confiance, relégués dans un petit pot. Elle rêve qu’elle marche sur la terre avec ses pieds bleus et qu’elle apporte la bonne nouvelle.

Bichette. Umberto me tenant par la main, moi, les yeux bandés, levant haut les jambes pour éviter les ronces et les chardons, tenue par Mon Homme, en toute confiance, nos générations ayant échappé aux terreurs mussoliniennes, à la famine, à l’absence de chaussures, aux froidures cisalpines, à l’égoïsme barbare des migrés et à l‘indifférence sanguinaire des nationaux, pour venir défier de leur 1m58 à tout prendre, les lois de la pesanteur parisienne. Moi Oliva Gennarino, fille de Luigi et de Cristina Modenese, native de Trapani. Toi. Plus grand que les jeunes siciliens que je fréquentais, plus mûr aussi, plus musclé. Toi, sous le ficus macrophylla du jardin de Garibaldi, tu me regardais de cet air doux qui ne t’a jamais quitté en 60 ans de vie commune. Toi, Umberto Gennarino, dit le Second, fils de Umberto Père et de Carolina, natif de Montreale, licencié en droit, passionné de l’époque baroque et de l’Incisore, Non, notre vie ne fut pas commune ! Tu m’as guidée jusqu’à la petite maison de la plage, enlevant mon bandeau et remettant mes cheveux en place pour que je voie mieux le beau cadeau que tu me faisais. « Bichette », c’était son nom. Les croisillons de bois étaient charmants. Le toit de tôle était modeste. A notre mesure. Pour nos vieux jours. Ça sentait bon la mer, à cette époque. Tu m’as donné ce petit paquet. « Un Zwergpinscher, tu as dit en faisant traîner les R. Un pinscher nain, si tu préfères. Un chien ratier créé tout spécialement pour éliminer les nuisibles. Groupe 2 dans la nomenclature FCI. » Tu es mort le lendemain. Infarctus. Une minute de souffrance maximale. Tu as eu de la chance. Pas moi. « Bichette » est sur mes genoux, un poids plume avec des yeux sur le qui-vive, doux comme les tiens, qui me regardent.
Bichette.

Umberto me tenant par la main, moi, les yeux bandés, levant haut les jambes pour éviter les ronces et les chardons, tenue par Mon Homme, en toute confiance, nos générations ayant échappé aux terreurs mussoliniennes, à la famine, à l’absence de chaussures, aux froidures cisalpines, à l’égoïsme barbare des migrés et à l‘indifférence sanguinaire des nationaux, pour venir défier de leur 1m58 à tout prendre, les lois de la pesanteur parisienne. Moi Oliva Gennarino, fille de Luigi et de Cristina Modenese, native de Trapani. Toi. Plus grand que les jeunes siciliens que je fréquentais, plus mûr aussi, plus musclé. Toi, sous le ficus macrophylla du jardin de Garibaldi, tu me regardais de cet air doux qui ne t’a jamais quitté en 60 ans de vie commune. Toi, Umberto Gennarino, dit le Second, fils de Umberto Père et de Carolina, natif de Montreale, licencié en droit, passionné de l’époque baroque et de l’Incisore, Non, notre vie ne fut pas commune ! Tu m’as guidée jusqu’à la petite maison de la plage, enlevant mon bandeau et remettant mes cheveux en place pour que je voie mieux le beau cadeau que tu me faisais. « Bichette », c’était son nom. Les croisillons de bois étaient charmants. Le toit de tôle était modeste. A notre mesure. Pour nos vieux jours. Ça sentait bon la mer, à cette époque. Tu m’as donné ce petit paquet. « Un Zwergpinscher, tu as dit en faisant traîner les R. Un pinscher nain, si tu préfères. Un chien ratier créé tout spécialement pour éliminer les nuisibles. Groupe 2 dans la nomenclature FCI. » Tu es mort le lendemain. Infarctus. Une minute de souffrance maximale. Tu as eu de la chance. Pas moi. « Bichette » est sur mes genoux, un poids plume avec des yeux sur le qui-vive, doux comme les tiens, qui me regardent.